Climat : proposition de résolution visant à affirmer le rôle déterminant des territoires pour la réussite d’un accord mondial ambitieux sur le climat #COP21

Rôle déterminant des territoires pour la réussite d’un Accord mondial ambitieux sur le climat
Discussion d’une proposition de résolution
intervention de Jean-Yves Leconte
« Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, chacun connaît la situation, elle a été maintes fois exposée ce soir : événements climatiques brutaux de plus en plus fréquents, hausse du niveau de la mer et accroissement du nombre de territoires devenant non viables économiquement.
Face à ces problèmes, fixer un objectif maximal de 2°C d’augmentation de la température moyenne de la terre semble un pari risqué au vu de la situation actuelle, surtout si nous la comparons à celle d’il y a quarante ans, en particulier en matière de catastrophes climatiques.
Les déplacés climatiques sont d’ailleurs aujourd’hui bien plus nombreux que ceux qui fuient des conflits.
Nous savons qu’il importe de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, chaque année, leur production est à la hausse. Trente-cinq pays qui voulaient bien faire se sont réunis à Kyoto pour tenter de fixer des règles contraignantes pour eux. Cela n’a pas été une grande réussite. C’est la raison pour laquelle une démarche un peu différente a été engagée : chacun apporte sa contribution, à la manière d’une fête des voisins, et l’on essaie, par approximations successives, d’arriver à l’objectif fixé de ne pas dépasser 2°C. Aujourd’hui, nous sommes loin de cet objectif, mais la démarche est inclusive et s’efforce de maintenir le périmètre des 195 pays concernés.
Cette démarche présente un intérêt : même si nous n’avons pas encore atteint l’objectif fixé, une dynamique est amorcée, à la fois avec des clauses de surveillance et de vérification, des clauses de rendez-vous et la capacité de faire évoluer les engagements en fonction de l’évolution de la situation et de nos connaissances.
Néanmoins, il est important de ne pas déléguer le résultat de la COP 21 aux seuls États, tout d’abord parce qu’ils n’en ont pas la capacité. Aucun résultat ne sera obtenu sans un engagement sérieux et sans un changement de comportement de la part des citoyens. Par ailleurs, les territoires devront être mobilisés – ce point a déjà été évoqué – aussi bien en termes de logement, d’aménagement du territoire que de transport.
Mais n’oublions pas que les États ne pourront pas tout, car tous les pays ne sont pas capables comme la France d’administrer leur territoire. De plus, d’autres acteurs pèsent sur les gaz à effet de serre : je pense aux grandes entreprises qui peuvent quitter un pays pour aller s’implanter dans un autre. Pour finir, les normes établies, on l’a vu récemment avec le scandale Volkswagen, ne sont pas incontournables.
Or au vu de la situation actuelle, je pense par exemple aux menaces qui pèsent sur l’Indonésie, il convient de transformer les trajectoires envisagées. D’une certaine manière, nous devons continuer à douter et à nous montrer vigilants, quels que soient les résultats de la COP 21.
Dans ce contexte, je souhaite rappeler la situation de l’Union européenne.
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, l’Union a enregistré une hausse de 45 % de son PIB et une baisse de 19 % de ses émissions de gaz à effet de serre. Si c’est possible pour nous, c’est possible pour les autres. Cependant, nous devons être attentifs aux phénomènes de déport. Si l’Union européenne est trop vertueuse toute seule, les entreprises émettant beaucoup de gaz à effet de serre pourraient aller s’installer ailleurs. Au final, le bilan global pourrait être plus mauvais que si l’Union européenne fixait des contraintes moins fortes sur son territoire.
C’est la raison pour laquelle nous ne devons pas être vertueux seuls ; il est essentiel que nous entraînions avec nous tous les autres.
L’Union européenne, faute d’une politique énergétique commune, a également du mal à se fixer de réels objectifs. En 2020, nos objectifs seront certainement tenus, mais ce sera plus compliqué en 2030.
Enfin, l’Union européenne, par sa manière d’être plurielle, aura probablement du mal à renchérir au moment de la COP 21, car il existe entre les différents pays qui la constituent des intérêts et des préoccupations divergentes.
La commission des affaires européennes du Sénat a évoqué plusieurs sujets, notamment le financement indispensable pour aider au développement des pays les moins avancés afin qu’ils suivent une manière de se développer différente de la nôtre.
La commission a également évoqué le prix du carbone et le développement d’un système de quotas. Il s’agit d’abord de favoriser le développement du système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, mais aussi de constater que le bilan est positif. En Chine et dans quarante autres États du monde, des systèmes équivalents se mettent en place. C’est indispensable, surtout à l’heure où l’énergie fossile est bon marché.
De surcroît, il est important de mieux connaître et de mieux évaluer, dans les contributions nationales, l’impact des puits de carbone. Je pense, en particulier, aux forêts du Canada, de Russie ou du Brésil, qui pèsent beaucoup sur les contributions des États. Or le bénéfice de ces puits est finalement extrêmement difficile à évaluer et à mettre en perspective.
Enfin, nous avons évoqué la question du commerce mondial afin de mieux éviter les phénomènes de déport d’un pays à l’autre. L’idée d’une taxe carbone aux frontières a été avancée de manière à faire payer le juste prix du carbone dans un territoire donné en fonction des conditions de production du bien qui a été importé.
En conclusion, notre démarche doit s’articuler autour de trois préoccupations.
Tout d’abord, il est essentiel de faire évoluer les comportements. Ce sont des modifications d’ordre culturel.
Ensuite, il faudra des financements, notamment en faveur de l’innovation. Il s’agira à la fois de trouver les parades technologiques à l’évolution des températures, mais aussi de mettre au point des technologies plus propres dans les secteurs de l’industrie et des transports.
Enfin, il conviendra d’opérer certaines régulations, en particulier en ce qui concerne le commerce mondial. J’ai évoqué la question de la taxe carbone aux frontières.
En conclusion, le travail réalisé autour des territoires est essentiel.
C’est, en effet, dans les territoires que la solution sera trouvée, car, nous l’avons dit, les États ne peuvent pas tout faire.
Les États sont partagés entre deux orientations. Certains voudraient utiliser la négociation climatique pour redessiner la géopolitique du monde et réorganiser la gouvernance mondiale. D’autres constatent que le CO2 n’a pas de frontière, que nous sommes tous interdépendants et que du problème auquel nous faisons face découle une remise en cause de leur souveraineté.
Le rôle des territoires est indispensable pour deux raisons : parce qu’ils peuvent, en tant que parties des États, contribuer à faire évoluer ceux-ci, et parce que les États, pris dans une contradiction entre la volonté de peser sur la gouvernance et la constatation de la remise en cause de leur souveraineté, sont finalement assez perturbés face au dérèglement climatique et au défi qu’il représente.
Il revient donc aux territoires de prendre la main, car ce sont leurs habitants qui ont intérêt à agir et qui peuvent le faire.
Voilà pourquoi nous voterons, avec conviction, cette résolution. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
Le compte-rendu intégral des débats
La proposition de résolution

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