Mariage et loi personnelle

Question n° 0501S adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice,
À publier le : 20/06/2013
M. Jean-Yves Leconte attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences de l’interprétation de la hiérarchie des normes donnée, dans la circulaire du 29 mai 2013, sur la mise en œuvre de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Le second alinéa de l’article 202-1 du code civil, voté par le Parlement en avril 2013, est clair : si une personne réside en France, sa loi personnelle, c’est-à-dire la loi du pays dont elle a la nationalité, ne devrait pas limiter le droit au mariage. Pourtant, la circulaire précise que sont exclus de ce droit les ressortissants des pays avec lesquels la France est liée par des conventions bilatérales qui prévoient que la loi applicable aux conditions de fond du mariage est la loi du pays dont le ressortissant a la nationalité. La soumission d’une personne à ce qui est appelé « sa loi personnelle » n’est pourtant pas un principe intangible de la France : ainsi accorde-t-elle le droit d’asile à des personnes selon leur situation propre et en dehors de toute règle de conflit des lois, et sans considérer comme légitime la loi personnelle du demandeur. Ainsi le mariage entre un Français et un ressortissant d’Algérie, de Bosnie-Herzégovine, du Cambodge, du Kosovo, du Laos, du Maroc, du Monténégro, de Pologne, de Serbie, de Slovénie et de Tunisie serait impossible, par le seul fait de la nationalité de la personne.

Les ressortissants de ces pays ne seraient pas nés « libres et égaux en droit » face au mariage en France avec un citoyen français. Interpréter les choses ainsi, dans le cas de ressortissants de pays de l’Union européenne comme la Pologne ou la Slovénie, c’est pratiquer, sur le territoire national, une discrimination aux principes généraux du droit européen de non-discrimination des ressortissants des pays de l’Union européenne par les États-membres. Ce principe est intégré à un traité qui a fait l’objet d’une ratification.

Pour les États que sont la Bosnie Herzégovine, le Monténégro la Serbie, le Kosovo, la France n’a pas formellement ratifié de convention avec ces pays mais avec la Yougoslavie. À l’exception de la Serbie, ces pays, parfois à la suite d’une guerre avec la Yougoslavie, ont déclaré leur indépendance. Il l’interroge donc, au regard des articles 52 à 55 de la Constitution, sur la pertinence à donner à des échanges de lettres confirmant les dispositions d’une convention datant de 1971 en matière de droit des personnes et de la famille. Quant aux autres pays concernés, le Maroc, le Cambodge, le Laos, la Tunisie et l’Algérie, nombre de leurs ressortissants vivent en France depuis longtemps et il est regrettable qu’ils ne disposent pas du même droit que les autres résidents en matière de mariage, alors même que, précisément, ce droit au mariage leur est interdit dans leur pays d’origine. À ce titre, cette discrimination constitue une atteinte aux principes d’égalité entre les habitants de notre pays.

En conséquence, il lui demande d’engager toutes les démarches pour qu’une loi votée au nom de l’égalité, ne renvoie pas des ressortissants étrangers présent sur notre territoire à leur origine. Il lui demande également si les dispositions précisées dans la circulaire sont compatibles avec le principe de non-discrimination dans l’Union européenne consacré par traité et s’interroge sur une éventuelle dénonciation des dispositions conventionnelles actuellement qui apparaissent en totale contradiction avec la volonté du législateur.

7 réflexions sur “Mariage et loi personnelle

  1. Merci beaucoup Monsieur Leconte pour cette question qui soulève de nombreuses interrogations et pointe des restes de discriminations inacceptables.
    En espérant que la réponse apportera enfin l’égalité pour tous, et un Mariage vraiment pour tous.

    Pour mon cas personnel:
    Je peux me marier avec un mort (autorisation du Président de la République), avec un dangereux criminel purgeant une peine de prison (autorisation du Procureur de la République), mais je ne peux pas me marier avec mon compagnon Cambodgien. En effet, il y a 60 ans le Général de Gaulle très prévoyant en aurait décidé ainsi !

    c’est absurde.
    l’interprétation des accords bilatéraux faite par la circulaire du Ministère de la Justice, est tout simplement abusive.

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  2. Merci Monsieur le Sénateur pour votre question.
    Vivant avec un réfugié algérien en raison de son orientation sexuellle, reconnu par l’OFPRA, on se trouve dans une situation ubuesque. La france en le reconnaissant réfugié le protège de l’Algérie mais il ne peut pas se marier en raison du code de la famille algérien.
    La circulaire, en ce qui concerne les algériens, renvoie aux accords d’Evian. Après avoir lu les dits accords, je ne trouve rien concernant le statut personnel hormis pour les pieds noirs.
    Autre point, l’art 8 modifié du code de la famille algérien autorise la polygamie. Donc selon les dispositions de la circulaire, puisque c’est la loi personnel qui s’applique, la France devrait reconnaître la polygamie.
    Et pour finir, comme le souligne l’ARDHIS : « le droit algérien interdit le mariage entre une femme musulmane et un homme d’une autre religion ( Article 30, modifié ). Une règle qui devrait aussi s’appliquer en France puisque, comme nous l’apprend cette circulaire, lorsque l’un des époux est Algérien, il doit se conformer aux règles de son pays d’origine. Pourtant, « il n’y a pas toujours de conversion et ça n’empêche pas de voir des mariages mixtes partout, seulement, ce sont des couples hétéros « .

    Il est adhérant de se retrouver avec de nouvelles discriminations.

    Encore Merci, Monsieur le Sénateur, pour votre question.

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  3. Ma compagne polonaise et moi-même tenons à vous remercier profondément pour votre action auprès de cette cause.

    Nous sommes horrifiées d’être toujours et encore touchées par une telle discrimination, malgré la nouvelle loi qui nous promettait l’égalité des droits humains. Quelle absurdité de devoir subir cette injustice alors que nous vivons au sein même de l’Union européenne, qui nous promettait pourtant de naitre « libres et égaux en droit ».

    Nous espérons avec impatience et un brin d’appréhension la suite des choses.

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  4. Monsieur Le Sénateur,
    Je suis ravie de voir qu’un politicien prend la question en considération ce problème. Ma compagne, polonaise, et moi, établies en Allemagne, souhaitons nous marier. Nous sommes effarées de voir que la loi du Mariage « Pour Tous » a été bâclée, laissant de côté des nationalités déjà bien discriminées sur le sol français. Surtout après les longs mois de « débats » que nous avons dû subir.
    Si action ou témoignagne il y a à faire, ma conjointe et moi serons ravies de vous prêter main forte.
    J’ai personnellement déjà témoigné sur rue89 http://m.rue89.com/#/news/243568

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  5. Alain G
    Merçi monsieur le Sénateur mais pourquoi Madagascar n’est jamais cité ? j’ai cru à la loi , j’ai rêvé de mon mariage avec mon ami malgache ayant les bancs publiés etc…. mais la circulaire du 29 mai 2013 a fait viré notre rêve en cauchemar, comment une telle discrimination et pourquoi faire des lois en oubliant les minorités ? pourquoi personne n’est au courant de cela, es ce un sujet senssible bien gardé ? j’ai écrit beaucoup écrit mais pas de réponse, pas un mot d’espoir !!!! que devons nous penser, que devons nous croire !!!
    Cette situation aujourd’hui nous est intolérable du refus fondamental des droits aux libertés sur le territoire français et aujourd’hui comment me sentir français étant exclu, à cause d’une convention de plus de 50 ans!!
    Je vous remercie Monsieur le Sénateur pour vos actions et j’espère qu’une lueur d’espoir vat venir à nous grace à vous.
    Alain G

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  6. Monsieur le sénateur
    Aujourd’hui j’apprends l’incroyable et cruelle anomalie, j’ai consulté Le BULLETIN OFFICIEL MINISTERE DE LA JUSTICE légifrance.fr, dans la liste des 11 pays exclus cause de convention Madagascar n’apparait pas mais le Koso apparait, en mairie la même circulaire du 29 mai 2013 dans la liste Madagascar apparait et le KOSO n’apparait pas !!! imaginez vous Mr le Sénateur que mes bancs sont publiés ect… et maintenant mon mariage semble impossible, je ne peux pas comprendre qu’il y ai des exclusion mais encore moins avec quelle légèreté les lois sont publiées, pour le Pacs avec les élections le PS a dit  » nous n’avions pas été assez loin  » es ce qu’au prochaine élection ça va ressortir pour le mariage pour tous qui n’est pas pour tous? Et pourquoi autant de silence sur le sujet malgré les divers intervetions d’élus et d’association ? J’ai vu Mme Taubira émue à l’adoption de la loi mais es ce que Mme Taubira est émue face à l’exclusion ? Croyez bien Mr le Sénateur que le changement nous l’avons voulu donc au moins nous serions reconnaissants que Mme Taubira s’exprime clairement sur les intentions en la matière parce que nous ne supportons pas l’absence de réaction et de considération même si nous appairaissons comme une minorité.
    Je vous remercie Mr le Sénateur pour l’interêt que vous porterez à mon message.
    Respectueuses salutations

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  7. Pingback: Conventions bilatérales: ces conflits de loi qui empêchent les homos de se marier | Yagg

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